7. Des cases comme cibles

On pourrait se demander en quoi une case vide pourrait bien constituer une cible, puisqu’il n’y a rien à y prendre. Voici un petit exemple illustrant la notion de case cible pour nous éclairer à ce sujet.

Exemple 7.1 : attaque d’une case-mat

Si la dame blanche se rend en e8, force est de constater que les Noirs sont mat ! Ainsi, la case e8 est une cible pour la Dame blanche. En remarquant que la Ta3 en est une autre, le coup gagnant est alors facile à trouver :
1. De7, menaçant le mat et attaquant la Ta3 pour finalement gagner cette dernière.

Une case sur laquelle on peut jouer pour faire mat, une case-mat, est donc une cible de choix.

Mais d’autres cases peuvent être prises pour cibles. Par exemple une case d’où l’on peut réaliser une attaque double (attaque de deux cibles) gagnante ou toute autre combinaison entraînant un avantage à plus ou moins brève échéance : on pourra alors parler de case-clé. Certaines cases-clé sont plus faciles à repérer que d’autres, comme par exemple une case de fuite du Roi qui, sans elle, serait mis mat, ou encore la case de promotion d’un pion passé, qui n’est empêché d’aller à Dame par aucun autre pion adverse. Mais en général, les cases vides sont des cibles plus difficiles à repérer : il faut souvent avoir une expérience pointue de toutes les possibilités tactiques et même stratégiques d’une position. Et heureusement ! Cela confirme que la méthode ne fait pas tout et que la science et le talent du joueur continuent à faire la différence.

Dans l’exemple qui suit, voyons maintenant comment transformer en cible une case sans grand intérêt.

Exemple 7.2 : coup d’attraction

Dans l’exemple du diagramme ci-contre, la case c3 n’a qu’un piètre intérêt pour le Cd5, compte-tenu qu’une attaque de la Dame blanche serait aisément parée. Pourtant, il est possible de transformer c3 en case clé :

Le coup de Tour en e2 permet d’attirer le Roi blanc dans un piège : on parle de coup d’attraction et en l’occurrence, de sacrifice d’attraction. Une fois le monarque en place, la case c3 devient une case clé que les Noirs ont tôt fait d’exploiter par 2. … Cc3+ qui gagne la Dame blanche à cause de l’attaque double royale.

Parer l’attaque d’une case cible

Qu’en est-il maintenant des parades à l’attaque d’une case ? En fait, toutes les parades sont susceptibles d’être appliquées à ceci près que la notion de fuite prend un sens tout particulier lorsque la cible est une case, vide le cas échéant.

Pour voir quel sens nous pourrions lui donner, prenons une image : supposons que nous soyons en possession de la carte indiquant la position d’une « île au trésor ». Aventuriers, nous réfléchissons comment nous y rendre, engageons des préparatifs, nouons des accords etc. Ainsi notre volonté est dirigée vers cet objectif qui nous tient à cœur. Jusqu’au jour où nous apprenons dans les journaux qu’un explorateur vient de rapporter un fabuleux pactole de notre île au trésor. Et voilà tous nos projets réduits à néant : la fuite des capitaux a retiré tout intérêt à une expédition sur notre île…

Quand une pièce est attaquée sur une case, sa fuite enlève tout intérêt à l’occupation de la case – et rend même souvent son occupation risquée. Il en va de même quand la cible est une case-mat ou une case-clé : il s’agit alors de retirer tout intérêt au fait d’occuper la case en question. Prenons un exemple.

Exemple 7.3 : « fuite » d’une case mat

Le coup 1. Tb1 prend pour cible la case mat b8. Prendre l’attaquant est impossible tandis que l’interposition de la Tour noire perd cette dernière sans améliorer la situation. La « fuite » consiste ici à rendre inoffensive l’irruption de la Tour blanche en b8 par le coup 1. … h6. (ou 1. … Rg8).  Ainsi, 2. Tb8+ n’est plus une menace puisque les noirs peuvent y répondre par 2. … Rh7 et la case b8 n’est plus une cible intéressante : nous avons en quelque sorte « désamorcé » la cible.

Une fuite en avant

Dans le précédent chapitre, nous avons examiné la contre-attaque comme une sorte d’alternative au fait de parer une attaque. Mais avec le concept de « fuite d’une case », nous pouvons maintenant la voir sous un nouveau jour.

Imaginons qu’une case soit exposée à une attaque et que la conséquence en soit la perte sèche d’un Cavalier, soit qu’un Cavalier soit en prise sur cette case, soit que la case permette une attaque double gagnant le Cavalier etc…

Supposons maintenant que l’on décide de réagir à cette attaque par une contre-attaque ayant pour objectif le gain d’une Tour.

Dès lors, l’attaque sur le Cavalier perd de son intérêt, mise en balance avec la perte de la Tour. Et la case attaquée perdant sa valeur perd son statut de cible par la même occasion.

Or c’est bien ce mécanisme que nous avons interprété comme la « fuite d’une case » :
la contre-attaque entre donc directement dans le schéma : attaquant-mouvement-cible comme une parade sur la cible, sa « fuite », qu’il serait peut-être pertinent pour l’occasion de désigner par exemple comme une « fuite en avant ».

Exemple 7.4 : « fuite en avant »

Dans l’exemple ci-contre les Noirs s’apprêtent à prendre le Cd5 blanc. Par ailleurs, il s’avère que ce dernier est également dans l’impossibilité de fuir, car il exposerait la Dame blanche à l’attaque de la Td8 noire.

Les Blancs ont toutefois une ressource basée sur une contre-attaque. En jouant la Dame en c1, il menacent le Fc5 noir tout en libérant le Cavalier. Et si les Noirs essaient de prendre le Cavalier blanc avec la Tour dans le but de protéger le Fou, les Blancs échangent les Dames pour ôter la protection de e6 et jouent une attaque double gagnant la Tour noire par F×e6+.

Ainsi, la prise en d5 a perdu tout intérêt pour les Noirs – bien que rien ne les empêche d’effectuer ce coup – car la récompense espérée de la prise du Cavalier est contrebalancée par la perte du Fou : c’est ainsi que les Blancs ont organisé la « fuite » de la case d5.

Le point sur l’analyse fractale

Dans ce chapitre, nous avons découvert que, si nous voulons conserver une certaine unité quant au concept de cible, il nous faut l’envisager comme une case à occuper et non seulement comme une pièce à prendre. Mais nous allons plus loin en découvrant que le concept de « fuite d’une case » permet de comprendre le lien qu’un schéma de contre-attaque entretient avec le schéma d’attaque initial et ce, à travers leurs décomptes des gains et pertes respectifs. Nous pourrions faire une analogie avec les schémas similaires d’une figure fractale qui se développent en divers endroits du dessin mais sont régis par une même équation mathématique générale qui organise l’ensemble.

Avec le concept de case-cible, nous consolidons l’idée d’une analyse tactique récurrente basée exclusivement sur le schéma « attaquant – mouvement – cible ».

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