12. Tel pion, telle cible

De toutes les cibles que l’on peut rencontrer dans une partie d’échecs, il en est dont le statut est véritablement singulier. C’est le cas de la case de promotion du pion qui est la cible par excellence pour le seul pion susceptible de l’atteindre.

L’attraction que la case de promotion exerce sur le pion est comparable à une force irrésistible. En instaurant la règle de la promotion, c’est comme si l’on avait inventé la gravitation universelle sur l’échiquier, si bien qu’au cours d’une partie, nous devons nous occuper des pièces tout en jonglant pour éviter que les pions adverses ne « tombent » sur la rangée devant nous, au « bas » de l’échiquier. Heureusement, nos propres pions, attirés tout aussi inexorablement vers le « haut » de l’échiquier, font rempart à ce déferlement. Mais que l’un d’eux manque à l’appel et le danger guette…

Exemple 12.1 : le carré du pion

Dans la position ci-dessus, les blancs au trait, au terme d’un échange, estiment qu’ils peuvent terminer en reprenant le Fou noir. Mais voici la suite :

1. D×d5 De1+
2. Rh2 De5+        attaque Roi et Dame, une « double attaque royale »
3. D×e5 f×e5

Et maintenant ? Eh bien le pion a7, qui était en sommeil en attendant son heure, « tombe » en a1 sans que les Blancs ne puissent faire quoi que ce soit pour éviter la promotion. En effet, la « règle du carré » nous apprend que si le Roi de la défense, une fois son coup joué, n’a pas pénétré dans un carré dont un côté est la ligne allant du pion à sa case de promotion, alors il est dans l’incapacité de rattraper ce pion avant qu’il n’arrive à Dame :

4. Rg1 a5  
5. Rf1        Le Roi reste en dehors du carré a5-a1-e1-e5
5. … a4  Le Roi s’est rapproché, mais le carré s’est réduit
6. Re1 a3  
7. Rd1 a2  
8. Rc1 a1D+ et gagne

D’autres cibles pour un pion

En plus de la particularité de la case de promotion, les cibles des pions dénotent par rapport à celles des autres pièces. Ainsi, les deux cases de part et d’autre devant le pion ne peuvent être des cibles que si elles sont occupées (avec encore une exception pour la prise en passant).
Et comme le pion ne prend pas comme il avance, la case sur laquelle peut se rendre le pion ne peut être une cible qu’à condition d’être vide. Cette particularité permet d’envisager une parade inédite à une attaque du pion sur la case où il peut avancer : en y plaçant une pièce, le pion ne peut plus s’y rendre et l’on parle de parade par blocage du pion (Voir exemple 12.2 ci-dessous).

La fuite comme parade à l’attaque du pion

Nous avons vu précédemment que la notion de fuite pouvait être transposée à une case, en la privant de son intérêt pour l’adversaire. Dans le cas d’une case de promotion, l’enjeu est gravé dans les règles et tant qu’un pion la garde en ligne de mire, la case de promotion reste sa cible attitrée et privilégiée. Toutefois, la « fuite en avant » résultant d’une contre-attaque peut tout à fait compenser, le cas échéant, le bénéfice de la promotion.

Pour les autres cases ciblées par un pion, on peut appliquer le concept de fuite comme avec les attaques d’autres pièces : soit la fuite de la pièce attaquée, soit la fuite de la case où il peut avancer, au sens ou nous l’avons vu dans le chapitre 7.

Quand le pion menace

Une dernière chose est à noter en ce qui concerne le danger que constituent les pions. Tant que ceux-ci ont chacun un pion adverse en vis-à-vis sur la même colonne, toute tentative d’avance finit inévitablement par un arrêt impératif devant le vis à vis adverse, rendant la case de promotion du pion inaccessible.

Mais le vis-à-vis vient-il à disparaître et il nous faut soigneusement veiller à faire obstacle à son avance. Le pion devient alors un pion candidat à la promotion et la meilleure surveillance incombe le plus souvent aux pions adverses situés devant lui sur les colonnes adjacentes et qui sont les défenseurs des cases sur lesquelles doit transiter ce candidat. Viennent-ils à disparaître eux aussi et c’est maintenant un pion passé qui nécessite alors une grande attention des pièces adverses.

Un petit schéma nous permettra d’y voir plus clair.

Exemple 12.2 : statuts de pions

Les pions g3 et g6 sont en attente de jours meilleurs. Par contre, le pion noir f5 ainsi que le pion blanc h2 sont des candidats à la promotion : g3 tient f5 en respect, tandis que pour h2, c’est le pion noir g6 qui est dévolu à cette tâche. Enfin, les pions d4 et e4 sont passés : plus aucun pion ne peut empêcher leur progression. Et si e4 est bloqué par le Roi blanc, les noirs doivent se soucier d’un moyen d’empêcher d4 d’aller à Dame.

Le point sur l’analyse fractale

Contrairement aux autres pièces, les cibles du pions sont particulières.
Ce sont, le cas échéant :

  • les cases cibles de la fourchette du pion, à condition d’être occupées
  • la case d’avance du pion à condition d’être vide
  • la case de promotion, qui n’est la cible que du seul pion qui la convoite

Compte-tenu de ces aménagements, nous retrouvons le schéma attaquant-mouvement-cible pour toute attaque de pion et de fait, les trois types de parade qui en résultent, avec la possibilité supplémentaire d’action sur le mouvement que constitue le blocage du pion.

Le pion attaque les cases latérales occupées (en jaune) ou la case frontale vide (en rouge). Cette dernière attaque peut être parée par un blocage.

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