Continuons à explorer les empêchements qui apparaissent lorsque l’on pare une attaque, cette fois en interposant une pièce, générant ainsi une situation de clouage.
Dès lors qu’une pièce pare une attaque en s’interposant, elle devient une cible de substitution qui, d’emblée, est limité dans – voire privée de – l’une de ses possibilités de protection les plus efficaces : la fuite. C’est le « clouage » de la pièce interposée qui devient une cible empêchée, exposée aux attaques adverses. Voyons un exemple :
Exemple 16.1 : la pièce clouée ne défend plus…
Dans la position ci-contre, les Noirs ont négligé le clouage de leur Cc6 qui est absolument et totalement entravé dans ses déplacements. Or ce dernier est le seul défenseur du Fb4. Aussi les Blancs jouent-ils 1. D×b4, gagnant le Fou.
Voyons maintenant un exemple qui va nous permettre d’observer le clouage sur une case-mat.
Exemple 16.2 : clouage sur une case
Dans la position ci-contre, le Roi est dans une position délicate qui n’est pas sans rappeler le mat en queue d’hirondelle : il suffirait que la Dame blanche se rende en h5 pour faire mat. En principe, cette case lui est inaccessible, du fait que le Cd5 et le pion e5 font obstacle à son mouvement, garantissant ainsi la sécurité du Monarque. C’est sur ces considérations que les Blancs jouent le coup gagnant : voyez-vous lequel ?
Tablant sur le fait que le pion e5 est contraint de rester sur la cinquième rangée, les Blancs en profitent pour placer une attaque double – Royale ! – du Cavalier par : Cf4+, gagnant la Dame noire puisque le pion e5 est cloué par la Dame blanche sur la case-mat h5 (clouage relatif total).
Bien entendu, la structure attaque-interposition-cible ne résulte pas nécessairement d’une parade à une attaque ; elle peut néanmoins être exploitée de la même façon. En voici un exemple.
Exemple 16.3 : provoquer un clouage
Les Noirs aux trait jouent 1. Ta6 qui attaque deux fois le Cavalier tout en le clouant sur la Td6 : il n’y a pas de parade pour éviter la perte de matériel.
Les exemples précédents nous ont montré comment l’interposition générait automatiquement une situation de clouage avec la possibilité de transférer l’attaque initiale sur la pièce qui s’interpose, avec le bénéfice que cette dernière est empêchée et donc plus vulnérable, tandis que l’a menace initiale perdure de manière indirecte.
Allons maintenant plus loin en essayant de prévenir l’interposition avant qu’elle ne se réalise.
Exemple 16.4 : prévenir l’interposition (1)
Dans l’exemple du diagramme ci-contre, le pion f6 concourt à créer un réseau de mat : la Dame blanche arrive-t-elle en g7 que les Noirs sont mat. Pour ce faire, la Dame blanche doit passer par la septième rangée et plus précisément par la case b7. Mais les Noirs disposent alors d’une ressource par l’interposition de la Tf8 en f7 ou de la Dd6 en d7 et la menace tombe à l’eau.
Les coups Tf8-f7 ou Dd6-d7 constituent en quelque sorte des attaques de la Tour ou de la Dame noires sur les cases-clé f7 et D7. En examinant cela ainsi, nous voyons qu’il est possible d’appliquer les ressources dont nous disposons face à n’importe quelle attaque : s’en prendre aux attaquant (la Tf8 ou la Dd6; impossible ici), empêcher le mouvement (idem) ou s’occuper des cibles (les cases f7 ou d7). C’est cette dernière option que les Blancs mettent en œuvre ici : en jouant 1. Fxe6+, ils réalisent une attaque triple sur le Roi et les cases convoitées, de sorte qu’après 1. … Rh8, il n’y a plus de défense sérieuse contre 2. Db7.
Exemple 16.5 : prévenir l’interposition (2)
Dans la position ci-dessus tirée d’une célèbre partie Bernstein-Capablanca, Moscou 1914, une attaque directe par Db1+ aurait pour réponse l’interposition de la Dame blanche en f1.
C’est la raison pour laquelle les Noirs se proposent de profiter de la mission d’interposition de la De2 pour réaliser une attaque double par 1.Db2, avec l’idée que si la Dame blanche tente de défendre la Tour, l’échange sur c3 lui interdit alors de jouer son rôle d’interposition lors de l’irruption de la Tour noire en d1.
Le dilemme est donc de perdre la Tc3 ou d’être mat, raison pour laquelle Berstein abandonna la partie après ce coup…
Un dernier exemple nous fera retrouver une situation de parade peu courante par clouage de l’attaquant. Elle mérite d’être mentionnée car cette fois, c’est le camp de la défense qui provoque le clouage et le camp de l’attaquant qui s’en dégage pour poursuivre l’attaque.
Exemple 16.6 : contrer le clouage de l’attaquant
Dans la position ci-contre, les Noirs ont paré l’attaque du Ff6 par un clouage du pion attaquant sur la Te1.
C’est une forme relativement rare de parade agissant sur l’attaquant mais qui n’en est que plus surprenante et qui de fait, peut parfois sauver certaines situations in extremis.
Ce n’est malheureusement pas le cas ici où les Blancs peuvent faire double emploi de leur Cavalier en jouant 1. Ce3.
Dès lors, le pion n’est plus cloué et le Ff6 se retrouve attaqué, tandis que la Tour est sous la menace du Cavalier blanc : une attaque sur deux fronts qui va être fatale aux Noirs.
Après 1. … Tb2 2. exf6 (Tb7 est meilleur mais les Noirs sont de toute façon perdus) 2. … Txf6 3. Tc7 Rh8 4. Cg4 Tf8 5. Cf6 les Blancs menacent mat par Th8…
Le point sur l’analyse fractale
Lorsqu’une interposition s’avère la seule parade, le défenseur doit la mettre en œuvre comme un schéma d’attaque dirigé sur la case (cible) où a lieu cette interposition.
Dès lors, il est possible de mettre à mal cette parade en s’en prenant à l’une des trois articulations du schéma attaquant-mouvement-cible qui la rend efficiente.
Nous retrouvons ainsi notre structure fractale et l’analyse systématique qui en découle, tour à tour en position offensive ou défensive.
Pour contrer cette parade, l’attaquant peut anticiper en agissant en amont sur le défenseur D, son mouvement ou sa cible (la case d’interposition) dans le but de neutraliser la parade.