Que faire quand au lieu de parer une attaque, l’adversaire place ses espoirs dans la compensation que lui procure une contre-attaque ? L’attaquant peut alors tenter d’œuvrer pour que la contre-attaque n’obtienne pas les résultats escomptés, de sorte que ce soit son attaque qui prévale ; la parade à la contre-attaque va donc consister à s’en défendre efficacement afin de faire triompher l’attaque initiale. Voici quelques exemples :
Exemple 20.1 : contre-attaque erronée (I)
Au lieu de déplacer leur Ce4 attaqué, les Noirs ont cru bon de contre-attaquer sur la Tb1 avec l’idée que si les Blancs prennent le Cavalier alors les Noirs prennent la Tour. L’idée est donc de parer l’attaque sur le Cavalier noir par une contre-attaque de compensation sur la Tour blanche.
Mais après 1. D×e4, la Dame noire ne peut plus agir car la Tb1 est protégée « à travers » elle, c’est à dire que si 1. … D×b1, les Blancs répondent 2. D×b1, échangeant une Tour contre un Cavalier et une Dame…
Exemple 20.2 : contre-attaque erronée (II)
Dans la position du diagramme, les Blancs étaient menacés de mat par T×h3, mais en jouant 1. Cc6+, ils comptaient après 1. … Rc8 ou 1. … Rc7 sur une contre-attaque de mat pour se tirer d’affaire.
Voyez-vous comment les Noirs font échouer ce plan ?
La réponse est tout simplement 1. … D×c6 ! et le bluff est éventé. En effet la Dame blanche ne peut reprendre en c6 à cause du mat qui menace toujours le Roi blanc…
Exemple 20.3 : contre-attaque erronée (III)
Dans la position ci-contre, les Noirs attaquent le Fb5 tandis que les Blancs y répondent par une contre-attaque de compensation sur le Ce3. Comment les Noirs continuent-ils ?
1. … Cc2 les Noirs dégage leur Cavalier en créant une attaque sur deux fronts : le Fou et la Tour blancs
2. Tc1 les Noirs parent l’attaque sur la Tour en contre-attaquant sur le Cavalier, ce qui fait que, pour l’instant, la contre-attaque blanche se maintient…
2. … Cd4+ mais ce dernier coup sauve le Cavalier en gagnant le Fou.
La position suivante est tirée de la célèbre partie Adams – Torre, La Nouvelle-Orléans, 1920. Elle montre comment les Blancs composent avec la contre-attaque noire pour mener à terme leur propre attaque.
Exemple 20.4 : le maillon faible de la contre-attaque
La case e8 est une case-mat deux fois menacée par les Tours blanches et défendue par la Db5 et la Tc8. D’où l’idée des Blancs de cibler les défenseurs par 1. D×b7, envisageant d’attaquer la Dame noire sur trois des cases d’où elle peut défendre la Te8, à savoir b5, c6 et d7, et de continuer par b3 dans l’hypothèse d’un repli de la Dame noire en a4.
Ce coup qui peut sembler surprenant, repose sur la constatation que la Dame blanche est tabou : en c7, elle ne peut être prise par la Tc8 qui doit défendre la e8, tout comme en b7 elle ne peut être prise par la Dame noire qui est affectée à la même mission de défense de la case e8.
Néanmoins, sur un immédiat 1. D×b7, les Noirs peuvent se défendre par une contre-attaque de mat :
Chercher le talon d’Achille…
Quand la riposte repose sur plusieurs pièces, cela donne lieu à des situations complexes. En effet, nous retrouvons ici une situation de pièces engagées dans la contre-attaque.
Or l’une d’elles vient-elle à faillir à son devoir et c’est toute la manœuvre de contre-attaque qui en pâtit.
L’attaquant cherchera donc à entraver chacun des rouages du mécanisme de contre-attaque… Ici, la contre-attaque noire repose sur l’interaction de plusieurs pièces, mais laquelle est le « maillon faible » ?
Les Blancs découvrirent que la Dame noire était surchargée, entre la défense de e8 et l’attaque sur e2. La partie continua ainsi :
1. a4 D×a4 La Dame blanche doit rester sur la diagonale a4-e8
2. Te4 Db5 a4 est maintenant contrôlée et la Te4 n’est plus objet de contre-attaque
3. D×b7 Abandon : si la Dame noire quitte la diagonale a4-e8, les Blancs font mat par T4×e8 suivi de T1×e8.
Pour finir, mentionnons que si les nombreuses possibilités de parades à une contre-attaque ne donnent rien, il est toujours possible d’envisager une contre-attaque en réponse à la contre-attaque…
Exemple 20.5 : un festival de contre-attaques
Dans l’exemple ci-contre, le coup 1. Cd7+ tisse un réseau de mat autour du Roi noir, avec la menace : 2. Th8+ Fg8 et 3. Txg8+ qui gagne le Fou.
Après 1. … Re8, les Noirs tentent une contre-attaque de compensation sur le Cd7 blanc.
Mais avec 2. Cc5, les Blancs dégagent leur Cavalier en gagnant un temps par une contre-attaque sur la Tour noire.
À leur tour, les Noirs jouent 2. Tc4 pour dégager la Ta4 en créant une contre-attaque sur le Cc5, ce à quoi les Blancs réagissent par la contre-attaque 3. Th8+ Fg8 4. Txg8+ qui gagne le Fou noir.
Mais les Noirs ne s’en tiennent pas là ! Et avec 4. … Rf7, ils contre-attaquent sur le Ff6 et la Tg8 des Blancs tout en continuant de menacer le Cc5 (attaque sur deux fronts).
Qu’à cela ne tienne, les Blancs répliquent par 5. Td8, une contre-attaque décisive sur le Cavalier noir (laissée à l’analyse du lecteur…) !
Le point sur l’analyse fractale
L’idée générale de la contre-attaque est de faire perdre l’intérêt pour une case cible. Cette forme de parade est à rapprocher de la fuite d’une pièce qui prive la case cible de son intérêt et conduit ainsi l’attaquant à renoncer à l’occuper.
C’est la raison pour laquelle nous avions parlé de « fuite en avant » au sujet de la contre-attaque.
Lorsque le camp qui mène l’attaque est confronté à une contre-attaque, il peut essayer de la faire échouer. Pour cela, il identifie le maillon faible de cette contre-attaque sous la forme d’un schéma attaquant-mouvement-cible qu’il est possible de parer : la chaîne de la contre-attaque peut ainsi être brisée et l’attaque initiale reprendre son cours…
En parant l’action de A2 sur C2, la contre-attaque peut être neutralisée et l’attaque initiale sur C1 retrouve alors sa pertinence.