15. Contrer la défense

Nous savons qu’il est possible de réagir à une attaque de différentes manières. Toutefois, comme nous allons de voir dans la troisième partie de ce cours, chacune de ces manières engendre des situations susceptibles d’être exploitées. Dans ce chapitre nous allons examiner une façon particulière de tirer parti des cibles complexes – ce qui en fait tout l’intérêt – et qui consiste à contrer la défense dont elle font l’objet.

Exemple 15.1 : contrer la défense par élimination

Dans l’exemple ci-contre, le Fou blanc défend le cavalier de l’attaque du Roi noir.

Le Cb3 des Blancs est typiquement une cible de type 1, attaquée par le Roi noir et défendue par le Fou blanc. Mais si le défenseur ne peut plus faire son office ?

La partie continue donc par 1. … Cb2+, attaquant simultanément deux cibles blanches (attaque double), puis 2. Re2 qui fuit l’échec en défendant le Fou blanc ; mais il suit 2. … C×d1. Voilà la pointe des Noirs : la prise du Fd1 à permis de contrer la défense du Cb3 blanc ! Il suit 1. R×d1 R×b3 et les Noirs ont gagné une pièce.

Comme les Noirs ne pouvaient s’en prendre directement au Cb3, ils ont basculé leur attaque sur le Fou qui était engagé à la défense du Cavalier, réalisant une attaque sur deux fronts, du Roi sur le Cavalier et du Cavalier sur le Fou.

A attaque C qui est défendu par D, de sorte qu’en se rendant en C il se trouve attaqué par D
Le mécanisme de défense

Nous découvrons ainsi une technique pour générer une attaque sur deux fronts, que nous pouvons ajouter à notre panoplie comprenant déjà l’attaque à la découverte. La logique générale de la démarche repose sur l’idée que la défense d’une pièce constitue elle-même une attaque – et même une contre-attaque – dirigée sur la case à défendre.

Disons que quand la pièce A porte une attaque sur la cible C, la pièce D qui défend la cible C lui porte une attaque en prévision de l’arrivée de la pièce A, qui devient alors à son tour une cible pour D.

Aussi, les mécanismes que nous avons examinés pour protéger une cible deviennent des armes entre les mains de l’attaquant. En effet, si l’attaquant associé à la pièce A parvient à contrer la défense de D, il renforce ainsi son attaque sur la cible C.

Dans l’exemple précédent, nous avons vu qu’en prenant le Fou défenseur (D), les Noirs avaient simultanément réitéré l’attaque sur le Cavalier cible (C) par le Roi attaquant (A), entrainant le gain d’une pièce : la pièce engagée en défense s’est transformée en cible d’autant plus vulnérable que sa disparition entraînait la mise en danger de la cible dont elle assurait la défense.

Nous avons vu une situation où, pour contrer la défense, le défenseur avait été purement et simplement éliminé. Mais le résultat eut été le même si l’on s’était contenté de le dévier, comme le montre l’exemple classique suivant :

Exemple 15.2 : contrer la défense par déviation

Après 1. Td8+ T×d8, la Tc8 défenseur de la Dame noire a été déviée et il suit : 2. D×d5.

Notons aussi une autre option de jeu qui ne sauve pas les noirs : 1. Td8+ Df8 : une fuite avec interposition qui génère en même temps une attaque à la découverte sur la Dame blanche ! Toutefois, les Blancs répliquent par 2. T×f8+ T×f8, qui prend la Dame avec échec, déviant ainsi l’attaque de la Tour noire.

Voici un autre exemple, tout aussi classique.

Exemple 15.3 : contrer la défense par interposition

Cible hautement convoitée, la case de promotion du pion f2 est défendue par la Tour blanche. Mais le coup 1. … Te1 parvient à contrer la défense de la Ta1 en interceptant l’action de cette dernière tout en l’attaquant, ne laissant qu’une piètre alternative aux Blancs : 2. T×e1 f×e1D ou 2. Ta8 f1D etc.

Ainsi, l’interposition que nous avons rencontrée en tant qu’outil de parade, devient à son tour un instrument d’attaque qui agit en parant la contre-attaque du défenseur sur la cible.

Le dernier exemple, va nous montrer comment exploiter un « complexe défensif » :

Exemple 15.4 : miner le complexe défensif

Dans la position du diagramme ci-dessus, la cible est la case-mat h7, convoitée par la Dame. Or pour le moment, cette case n’est attaquée que par cette dernière tandis qu’elle est défendue par le Roi, la Dame et la Tour noirs.

Toutefois, sur Th8+, avec la réponse forcée des Noirs Th7, on observe que les attaques et les défenses sur h7 s’équilibrent : Dame et Roi noirs contre Dame et Tour blanches. La tâche des Blancs va donc consister à s’attaquer aux défenseurs restants et cette tâche va être simplifiée par le fait que la défense repose sur plusieurs pièces – le complexe défensif en question. En effet, si deux pièces noires sont nécessaires à défendre h7, cela signifie que la défection d’une seule d’entre elle rend la case vulnérable. Les Blancs ont donc deux nouvelles opportunités de contrer la défense, celle de la Dame ou du Roi Noirs. Ces éléments pris en considération la suite peut-être, par exemple :

1. Tb1 Df7    la Dame est visée ; jouer 1. Th8+ Th7 immédiatement laisserait la Th8 en prise et les Noirs pourraient alors répondre à 2. Tb1 par D×b1+ suivi de T×h8.
2. Th8+ Th7
3. Tb6+ Tf6 c’est au Roi d’être pris pour cible et Tf6 retarde l’échéance…
4. Txf6+ Rg7 … car la Tf6 est en prise, laissant f6 comme case de fuite au Roi
5. Txf7+  et les Blancs font mat en trois coup (laissé à la sagacité du lecteur).

Générer une attaque

Insistons à nouveau sur le sens de la démarche présentée dans ce chapitre. Nous pouvons légitimement la décrire comme une façon de créer une attaque.
En effet, tant qu’il y a défense, la cible est dans l’attente d’une nouvelle menace. Mais la défense vient-elle à être éliminée, nous voyons tout à coup apparaître une occasion à saisir.

Ainsi, la démarche consistant à contrer la défense est-elle ni plus ni moins qu’une nouvelle façon de générer une attaque mais, chose étonnante, sans que le coup joué vise directement l’objet de ladite attaque.

Il est à noter que la plupart des techniques vues comme parades à une attaque sont applicables à la « contre-attaque défensive », ce qui offre une large panoplie d’outils à l’attaquant pour neutraliser la défense adverse !

Le point sur l’analyse fractale

Contrer la défense est une illustration typique de l’aspect fractal de l’analyse tactique. Dans cette démarche, le même schéma fondamental attaquant-mouvement-cible y est exploité. En effet, dès lors qu’il est clair que la défense d’une pièce apparaît comme une (contre-) attaque, toutes les techniques habituelles de parade s’appliquent au bénéfice de l’attaquant sur le ou les défenseurs dans le but de renforcer son attaque.

Les parades associées à cette situation d’attaque/contre-attaque peuvent être utilisées par le défenseur en réponse à l’attaque perpétrée par A1 sur la cible C ou par l’attaquant en réponse à la contre-attaque défensive prises en charge par D2.

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