21. Déblayer le terrain

Nous avons vu dans la troisième partie de cet ouvrage comment contourner les manœuvres défensives, chacune ayant ses points faibles spécifiques. Mais qu’en est-il lorsque les protections de l’adversaire reposent sur nos propres pièces ?  C’est une situation que nous avons déjà examinée dans un cas très particulier : l’attaque à la découverte, où l’attaque est en place mais que l’adversaire bénéficie pour un temps – un maigre sursit – de la protection fragile d’une pièce de l’attaquant lui-même. Et l’on sait le potentiel d’une telle situation entre les mains d’un attaquant averti ! C’est un exemple de coup de dégagement-libération.

Il existe toutefois d’autres cas plus subtils. Examinons pour commencer le cas où une pièce de l’attaquant occupe une case-clé, mais que cette pièce n’a pas le potentiel de nuisance recherché et, du coup, constitue un obstacle pour l’exploitation fructueuse de la case qu’elle occupe.
Nous pourrions comparer cette situation à celle d’un postulant à un poste à responsabilité qui, une fois nommé, s’intéresserait à tout autre chose qu’à l’exécution correcte de son mandat. La perte serait alors double car non content d’être inefficace, il occuperait pour un temps la place qu’un autre aurait peut-être pu utiliser à bon escient.
Prenons un exemple échiquéen.

Exemple 21.1 : coup de dégagement-libération (I)

Dans la position du diagramme, la Dame Blanche protège le Fb2 dans une position bien délicate et il ne faudrait pas grand-chose pour la chasser de son poste. Malheureusement, la Dame noire encombre la case permettant au Cavalier noir de chasser la Dame blanche… Le plan est donc simple : après 1. … Db1+ 2. Rf2, la case a2 est libérée pour le Cavalier tandis que le Fc2 passe sous la protection de sa Dame. Il suit donc 2. … Ca2, chassant la Dc3 et permettant la prise du Fb2 blanc. Le coup de libération Db1+ a rendu au Cavalier l’accès à la cible a2.

Une autre circonstance faisant obstacle à l’exploitation d’une case est qu’une ou plusieurs pièces de l’attaquant privent ladite case de tout intérêt en encombrant les lignes d’attaque auxquelles elle donne accès – l’équivalent pour la case de la fuite d’une pièce. Ce qui est particulier ici, c’est que l’empêchement est le fait de l’attaquant lui-même : une sorte de défense passive accordée à l’adversaire. Voici un exemple où il est possible de rendre à la case son intérêt tactique :

Exemple 21.2 : coup de dégagement-libération (II)

Dans la position du diagramme, le Roi Noir est protégé de l’attaque de mat de la Ta1 par le Cavalier Blanc. Aussi, en jouant Cb7, les Blancs privent-ils le Monarque ennemi de sa protection tout en gagnant du temps par l’attaque de la Tc5. Il s’agit là d’une attaque sur deux fronts, l’une du Cb7 sur la Tc5 et l’autre de la Ta1 sur la case a8 qui est tout à coup devenue une cible de choix.
Dans cette situation, nous parlons de coup de dégagement, s’agissant ici de déblayer la huitième rangée pour l’action de la Tour blanche. 

Le dernier exemple est plus complexe et montre tout le travail que se sont donné les Noirs, en mettant en œuvre plusieurs des concepts que nous avons abordé dans cette partie de l’ouvrage pour transformer une case en cible avant de l’occuper de façon décisive. Le coup de dégagement-libération y occupe une place centrale.

Exemple 21.3 : créer une cible

Dans la position du diagramme, la Dame noire rêve d’une entrée fracassante en h4. Malheureusement, plusieurs choses plaident en défaveur de ce coup. Certes, le Cf3 l’en empêche pour le moment, mais un échange par 1. … F×f3 pourrait régler la question. Le problème est qu’après 2. D×f3 Dh4 n’a rien de fracassant car la menace D×h2+ est aisément parées par 3. g3.

Une idée machiavélique va toutefois germer chez les Noirs : faire que le coup 2. … Dh4 soit associé à une attaque double. Le tout est de la mettre en place :

1. … Fxh2+        un sacrifice d’attraction destiné à poster la première cible de l’attaque double : le Roi blanc.
2. Rxh2              ne pas reprendre le Fou serait le plus sage mais les Blancs « paient » pour voir le jeu de leur adversaire.
2. … Cxf2          une attaque double inoffensive sur Dame et Fou mais…
3. De2 Cxd3       … un coup de dégagement qui ouvre la diagonale e1-h4 et éloigne en même temps la Dame de la défense de la Te1, la seconde cible de l’attaque double.
4. Dxd3 Fxf3      encore un défenseur d’éliminé : h4 est maintenant une cible de choix pour la Dame noire. Maintenant, si 5. gxf3 alors les Noirs assènent 5. … Dh4+ : la Dame atteint la cible h4 et donne le coup de grâce qui gagne la Tour e1 tandis que si les Blancs ne reprennent pas le Fou, ils laissent aux Noirs une forte attaque et deux pions de plus.

Le coup de dégagement-libération ou une autre façon d’attaquer

À travers ces exemples,  nous découvrons de nouvelles façons de perpétrer une attaque. En effet, nous avions déjà envisagé les méthodes consistant à occuper une case permettant d’accéder à une cible ennemie – la méthode la plus évidente –, ou de libérer le trajet permettant à une pièce d’accéder à sa cible comme l’attaque à la découverte, de s’en prendre aux défenseurs, ou encore de gagner le temps nécessaire à la réalisation de l’attaque.

Nous pouvons maintenant y ajouter d’autres façons de créer une cible, puisque dans chacune des trois positions des exemples précédents, un coup de dégagement-libération a permis qu’une case qui n’était pas une cible, en deviennent une : la case a2 pour l’attaque du Cavalier dans l’exemple 1, la case a8 pour l’attaque de la Tour dans l’exemple 2 et enfin, au terme d’une combinaison complexe, la case h4 pour la Dame dans l’exemple 3.

Le point sur l’analyse fractale

Une parade surprenante mais bien réelle est celle qu’offre l’une des propres pièces du camp qui attaque :

  • soit qu’elle se trouve dans le chemin de l’attaquant, empêchant alors son mouvement,
  • soit qu’elle occupe une case cible, case clé ou case mat, empêchant alors l’attaquant de s’y rendre pour réaliser l’attaque

Dans ce cas, il suffit tout simplement de déplacer la pièce faisant obstacle !

De plus, il est possible de combiner le déplacement de la pièce obstacle, créant une attaque, avec une seconde attaque de la pièce elle-même pour déboucher sur des attaques sur plusieurs fronts dont ont sait qu’elles sont d’autant plus difficile à parer…

À gauche, le mouvement de l’attaquant est empêché par la pièce A1 : son déplacement est un coup de dégagement de la ligne d’attaque.
À droite, la cible est inaccessible à cause de la présence de la pièce A2 : son départ constitue un coup de libération de la case cible.

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2 réponses sur “21. Déblayer le terrain”

    1. Bonjour,
      Merci de l’intérêt que vous portez au site et de votre contribution à son amélioration : ce sont de précieux encouragements !
      La correction est faite.
      Bonne découverte et au plaisir

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