L’une des façons les plus simples de parer une attaque est la fuite, qui n’implique aucune aide tierce. Toutefois, il est parfois possible d’anticiper le mécanisme de fuite et de le rendre impossible, de sorte que l’attaque ne puisse plus être parée, tout du moins de cette façon…
Exemple 17.1 : anticiper la fuite
Dans la position ci-contre, il est tout à fait étonnant que l’attaque du Cc3 blanc par la Dame noire en c7 ait pour réponse le coup Cxd5. Essayons d’en comprendre la raison.
Si nous observons la position de la Dame blanche, force est de constater qu’il ne lui reste plus que deux cases accessibles : la case a4 où elle se trouve et la case a5 où elle peut éventuellement se replier en cas d’attaque en b4 par la Tb8.
Du coup, 1. Dc7 ne se contente pas d’attaquer le Cc3 mais contrôle en même temps la case a5, seule case de fuite de la Da4 : c’est une attaque double, dont l’efficacité nous est maintenant familière.
Si donc les Blancs essaient de sauver leur Cavalier, par exemple par 1. … Cd1, il suit 2. Tb4 gagnant la Dame blanche piégée. Ainsi de deux maux, Les Blancs choisissent de perdre le Cavalier et en profitent pour placer le sacrifice desperado 1. … Cxd5 contre-attaquant sur la Dame noire avant de s’occuper de ménager une retraite à leur souveraine coincée en a4…
Tomber de Charybde en Scylla
Une autre façon d’exploiter la fuite en réponse à une attaque se base sur le fait que le mouvement de la pièce attaquée modifie le paysage de la partie d’une manière dont il est parfois possible de profiter.
Or la fuite d’une pièce a pour effet de lui interdire au moins l’accès à la case qu’elle vient de quitter, voire à plusieurs autres dans la plupart des cas. C’est une situation que l’on observe souvent dans les combinaisons de mat où le but visé est que le Roi ne puisse plus disposer d’aucune case de fuite. Et pour ce faire, on le conduit vers une case où il lui sera impossible de parer l’échec. En voici un exemple.
Exemple 17.2 : chasse à courre
Dans le diagramme ci-contre, les blancs au trait jouent :
1. Tfe7+ Rf6
C’est la seule issue pour le Roi Noir. Maintenant, les cases de la colonne e lui sont interdites. Les Blancs peuvent alors porter le coup de grâce par 2. Te6 mat.
Les deux Tours blanches, le Fou et le pion g3 ont collaboré pour priver le Roi de toutes ses cases de fuite.
Exemple 17.3 : manœuvre de coercition
Voici un second exemple de « coercition » : le Roi est contraint de se rendre sur une case qui permet aux Noirs de réaliser une attaque double :
1. … Cd4+
2. Re3 le Roi doit continuer à défendre le Ce4…
3. … Te2+ une enfilade qui gagne le Cavalier.
Les exemples suivants mettent en œuvre la situation de « fuite » dans le cas d’une case.
Exemple 17.4 : attaque du couloir
Dans le diagramme ci-contre, la position calamiteuse des pièces noires permet aux Blancs de placer une jolie combinaison. Pour commencer, ils attaquent les cases-mat de la huitième rangée par : 1. Dc5.
Pourquoi la case c5 en particulier ? Nous allons voir bientôt que l’idée est de soutenir le Fou dans la seconde partie du plan. Le dernier coup des Blancs attaque deux cases : c8 et f8 et il ne reste d’autre issues aux Noirs que la « fuite » de c8 et f8 par :
1. … h6 (ou h5, qui n’est pas meilleur) afin de libérer h7 pour le Roi noir. Mais ce faisant, la case h7 devient à son tour une case-clé, puisque son contrôle par les Blancs renouvèlerait la menace de mat. Enfin, son alignement avec la Dame noire va permettre une attaque double gagnante. Il suit : 2. Fc2.
La Dame noire est attaquée par le Fou – qui est défendu par la Dame blanche. Sa fuite donnerait aux Blancs le contrôle de h7, permettant le mat du couloir sur c8 ou f8 : il ne lui reste qu’à s’échanger contre le Fou pour éviter le mat.
Dans l’exemple qui suit, la fuite d’une case-mat va être exploitée de manière différente.
Exemple 17.5 : « clouage » sur une ligne d’attaque
Dans la position ci-dessus, les Noirs au trait sont bien mal avisés de prendre la Tc4, pourtant insuffisamment défendue par la Dame, car la Tc8 et la Dame noires sont engagées dans le processus de « fuite » de la case a8 qui, sans elles, devient une case-clé pour la Ta1 blanche en vue d’une attaque de mat :
1. … D×c4 les Noirs ne s’aperçoivent pas que leur Tour est engagée…
2. D×c4 T×c4 Le dernier coup des Blancs a pour effet de dévier le défenseur de la case a8 : la Tc8 disparue, la huitième rangée est maintenant exposée et il suit :
3. Ta8+ Ff8
Les Noirs viennent de parer l’échec par le seul coup raisonnable, l’interposition du Fou en f8. Le Ff8 est maintenant cloué de façon absolue – interdiction de s’y soustraire – et totale – aucun mouvement possible. La suite est donc :
3. Fh6 bientôt suivi du mat par T×f8 sans que les Noirs puissent y faire quoi que ce soit…
Le point sur l’analyse fractale
Lorsque l’on envisage la fuite comme parade à une attaque, cette dernière doit nécessairement être mise en œuvre selon le schéma attaquant-mouvement-cible. Dans ce cas, l’ « attaquant » est la pièce qui réalise la fuite mais qui, comme dans le cas de la « fuite en avant », n’est pas nécessairement la pièce occupant la case attaquée.
Pour contrer cette parade, il est donc possible de neutraliser les bénéfices de la fuite en agissant sur chacune des trois articulations du mécanisme de fuite : en agissant sur l’attaquant (cas de la fuite en avant), en empêchant son mouvement ou en agissant sur sa cible.
Là encore, nous envisageons de façon exhaustive l’ensemble des opportunités en appliquant simplement les mêmes outils d’analyse que l’on utilise pour trouver les parades à une attaque.
Dans le cas d’une fuite en avant (contre-attaque), c’est chacune des parties du mécanisme de contre-attaque qui est susceptible d’être mis à mal pour faire échouer la parade.