4. Le mat

Nous avons vu au chapitre précédent que l’attaque du Roi autorisait a priori trois parades : prendre l’attaquant, interposer une pièce ou fuir (PIF). Mais lorsqu’aucune de ces parades n’est possible, cela sonne le glas du monarque attaqué et c’est le mat : le Roi est condamné ou « mat », un mot de l’ancien Persan signifiant « mort »…

Un bon joueur d’échecs connaît un grand nombre de situations et de combinaisons pour mettre un Roi mat et ce seul ouvrage ne suffirait pas à épuiser la question, loin s’en faut. Nous verrons quelques attaques de mat en exemple ou en exercice, mais il est d’ores et déjà possible de poser quelques principes qui nous permettront de commencer à les soupçonner, voire à les élaborer.

Pour être mat, le Roi doit d’abord être en échec. Dit comme cela c’est un peu simplet, mais cela nous donne déjà une piste pour commencer notre analyse : comment mettre le Roi en échec ?

Exemple 4.1 : le carré du Roi

Les cases de fuite

Un deuxième aspect est que pour être mat, le Roi ne doit disposer d’aucune case de fuite. Or ces dernières peuvent au maximum être au nombre de huit – les huit cases qui entourent le Roi, mais leur nombre tombe à cinq avec un Roi au bord de l’échiquier et à trois dans un coin (diagramme ci-contre).

Exemple 4.2 : le contrôle par des pièces

Dans les diagrammes suivants, nous nous proposons de montrer quelles cases du carré du Roi ennemi sont susceptibles de contrôler différentes pièces.

Contrôle par la Dame
Diagramme 1 : contrôle de la Dame

Dans le premier diagramme, la Dame en c8 se situe dans le carré du Roi et contrôle 6 cases de ce carré – marquées par des points, tandis que la Dc4, située en dehors du carré, contrôle respectivement 1 ou 5 cases :

Diagramme 2 : contrôle par la Dame

Dans le second diagramme, la Db8 contrôle toujours 6 cases du carré dans lequel elle se trouve, tandis que la Db4 contrôle respectivement 3 et 4 cases en restant à l’extérieur des carrés.

Diagramme 3 : contrôle par la Dame

Dans le troisième diagramme, nous voyons la Dame située en dehors des carrés contrôler respectivement 2, 3 ou 4 cases.
Pour résumer la situation, nous observons :

  • 1, 2, 3, 4 ou 5 cases contrôlées par une Dame en dehors du carré
  • 6 cases contrôlées par une Dame dans le carré
Contrôle par une Tour
Diagramme 4 : contrôle par une Tour

Dans le diagramme 4, nous observons que la Td5 située dans le carré du Roi en contrôle 4 cases, ce qui est aussi le cas de la Tg3. Par contre, cette même Tg3 ne contrôle que 3 des cases des carrés où elle n’est pas.

Pour résumer la situation, nous observons :

  • 3 cases contrôlées par une Tour en dehors du carré
  • 4 cases contrôlées par une Tour dans le carré
Contrôle par un Fou
Diagramme 5 : contrôle par un Fou

Dans le diagramme 5, le Fd5 est situé dans un carré dont il contrôle 2 cases, alors qu’il contrôle respectivement 1, 2 ou 3 cases des autres carrés.

Diagramme 6 : contrôle un Fou

Dans le diagramme 6, chacun des deux Fous contrôle 2 cases du carré formant un motif différent de ceux observés dans le diagramme 5.

Pour résumer la situation, nous observons :

  • 1, 2 ou 3 cases contrôlées par un Fou en dehors du carré
  • 2 cases contrôlées par un Fou dans le carré

Notons également que suivant sa couleur, un Fou peut contrôler dans un carré éloigné donné, soit 2 cases , soit 1 ou 3 cases (soit une « moyenne » de 2…).

Contrôle par un Cavalier
Diagramme 7 : contrôle par un Cavalier

Dans le diagramme 7, nous observons que les Cavaliers situés dans les carrés en contrôlent exactement 2 cases, tandis qu’ils peuvent en contrôler de 1 à 2 en restant à l’extérieur.

Pour résumer la situation, nous observons :

  • 1, ou 2 cases contrôlées par un Cavalier en dehors du carré
  • 2 cases contrôlées par un Cavalier dans le carré
Contrôle par un Pion
Diagramme 8 : contrôle par un Pion

Dans le diagramme 8, on observe :

  • 1 ou 2 cases contrôlées par un Pion en dehors du carré
  • 1 ou 2 cases contrôlées par un Pion dans le carré
Efficacité d’une attaque sur le Roi

L’analyse qui précède montre qu’en général, une attaque rapprochée du Roi ennemi est un peu plus efficace du fait du plus grand nombre de cases contrôlées. Notons toutefois que la pièce située dans le carré ennemi nécessite une protection, car elle est alors menacée par le Roi lui-même.
De plus, quand l’attaquant est dans le carré du Roi, l’interposition n’est plus une parade possible et il ne reste alors que la prise ou la fuite, ce qui renforce encore l’efficacité de l’attaque.

Les tableaux de mat

Un autre aspect de la situation de mat est la complémentarité des attaques de plusieurs pièces permettant de priver le Roi d’un maximum de cases de fuite. Pour se familiariser avec ces possibilités, il pourra être utile de retenir un certain nombre de « tableaux de mat », c’est à dire des positions où le Roi est mat : galerie des tableaux de mat.

Les combinaisons de mat

Enfin, il est également très utile au joueur de connaître des combinaisons de mat classiques – c’est à dire des successions données de coups, qu’il est directement possible d’identifier au cours d’une partie et dont la maîtrise permet de calculer avec succès des attaques contre le Roi. Le mat de Lucena (leçon 2) en est un exemple.

Il est impossible de décrire ici les mécanismes de toutes ces attaques : d’excellents ouvrages s’en chargent. Nous nous contenterons donc d’en donner une liste non exhaustive pour que le lecteur curieux puisse se renseigner le cas échéant. Notons que plusieurs des tableaux de mat évoqués ci-dessus résultent de ces combinaisons.

Le mat du berger est sans doute la plus célèbre des combinaisons de mat in situ, mais le mat du lion est un classique incontournable ainsi que d’autres qui portent parfois le nom de grands joueurs. Certaines combinaisons classiques ne portent pas de nom : on les trouvera dans les ouvrages spécialisés sur la question.

Notons que quand on parle d’un mat, on peut faire allusion soit à la position finale, soit à l’une des combinaisons qui y mène. Aussi la liste suivante mentionne-t-elle aussi bien des combinaisons que des positions de mat souvent rencontrées en pratique. Ainsi on parlera des mats :
d’Anastasie, d’Andersen, d’angle, des Arabes, de la balestra, du berger, de Blackburne, de Boden, du calabrais, du chemin de fer, du couloir, de Damiano, des épaulettes, de l’escalier, de Greco, du guéridon, de Lange, de Legal, du lion, de Lolli, de Lucéna / étouffé, de Mayet, de Morphy, de l’opéra, de Pillsbury, en queue d’hirondelle, de Réti, de la tondeuse, triangulaire, de Vukovic.

Pour des illustrations de ces combinaisons de mat dans des parties jouées, consulter la page : « combinaisons de mat ».

Le point sur l’analyse fractale

Une attaque de mat est une combinaison particulière, une structure hiérarchisée d’enchaînements d’attaques et parades qui ont pour objectif final le mat du Roi adverse. Nous y voyons s’enchevêtrer des schémas d’attaque dans lesquels chaque parade choisie permet une autre attaque, toutes menant au mat. L’imbrication des schémas d’attaque-parade donne une image de récursivité, donc un aspect fractal.

Dans la position ci-contre, les Blancs jouent et font mat en trois coup (Mat du Greco)

La figure fractale ci-dessous illustre l’arbre des variantes de la combinaison. Observons au passage le caractère ternaire des parades (prendre-interposer-fuir) qui forment l’alternative face à une attaque sur le Roi.

L’analyse d’une attaque de mat dévoile ainsi la structure récurrente – ou fractale – sous-jacente.

La couleur verte signale les coups d’attaque. En réponse, l’option de prise apparaît en rouge, l’interposition en bleu et la fuite en jaune. Les couleurs pastel indiquent des parades non disponibles.

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