14. Pièces empêchées

Aux échecs, les pièces sont « libres et égales en droits ». Mais quels sont les droits fondamentaux des pièces ?
Chaque pièce, suivant sa nature, peut prétendre se rendre sur toutes les cases de l’échiquier que lui autorisent les règles du jeu. Or il arrive que des circonstances limitent, voire privent une pièce de ses possibilités de déplacement : on parle alors de « pièce empêchée » dans ses mouvements.

La pièce entravée

Un type d’empêchement est celui qui résulte du risque ou de l’impossibilité qu’il y a pour la pièce empêchée à se rendre sur certaines cases : on parle alors de pièce entravée.

Vous êtes-vous  par exemple déjà fait la réflexion que le Roi est la seule pièce aux échecs qui ne peut être prise (mise mat) que si elle a été au préalable privée de toutes ses cases de fuite ? Heureusement, le souverain n’en a guère : huit cases de fuite au maximum. Ce n’est guère mieux pour les huit cases de fuite maximum pour un Cavalier. Et que dire des 4 cases de fuites  pour un pion – au grand maximum, car ce n’est le plus souvent qu’une seule…?

Il peut donc arriver qu’une autre pièce que le Roi soit en quelque sorte mise mat parce qu’elle n’a plus aucune case de fuite raisonnable. La pièce empêchée est alors totalement entravée dans ses mouvements.

Par ailleurs, la privation de la liberté de déplacement d’une pièce empêchée peut se produire suivant deux modalités, éventuellement conjointes : de façon absolue, quand l’usage de certaines cases est interdite par les règles du jeu, ou de façon relative quand la pièce peut, mais n’a pas intérêt à se rendre sur certaines cases.

Examinons un exemple d’entrave absolue.

Exemple 14.1 : entrave mortelle

Dans le mat du couloir (position ci-contre), les cases de fuite f7, g7 et h7 sont interdites au Roi par les règles du jeu : l’entrave a un caractère absolu et même total puisque c’est le mat.

Un autre type d’entrave est moins impératif : les circonstances qui limitent la liberté de mouvement de la pièce empêchée n’ont plus le caractère absolu des règles du jeu mais ont un caractère relatif basé sur les désavantages occasionnés par le déplacement. En voici un exemple typique :

Exemple 14.2 : Cavalier encerclé

Le Ce4 des noirs pourrait constituer une cible pour le pion f blanc, si ce dernier s’avançait en f4, mais a priori, il n’y a pas de raison de s’en inquiéter. Pourtant, un examen plus attentif va nous montrer que le Cavalier est bel et bien une pièce empêchée : il n’a aucune case où jouer ! Les Blancs continuent donc par 1. f4 qui conduit à la perte du Cavalier noir après, par exemple 1. … Cf3+ (le Cavalier peut encore aller là, mais…) 2. g×f3.

La pièce engagée

Voyons maintenant une autre raison qui rend une pièce empêchée dans sa liberté de mouvement.

Si les règles déterminent les droits des pièces en ce qui concerne leurs déplacements, l’objectif du jeu va leur conférer un certain nombre de devoirs, qui découlent tous, plus ou moins directement, de la nécessité de protéger son Roi du mat tout en fomentant celui de l’adversaire. Aussi, au cours de la partie, le joueur distribue-t-il diverses missions à ses pièces, missions dans lesquelles elles se trouveront alors engagées.

Exemple 14.3 : pièce surchargée

Voici un exemple : le Fou des Noirs en b7 est attaqué par le Fg2 blanc, mais Tour et Dame veillent à sa défense. Pourtant, un examen plus attentif nous révèle que la Dame noire est une pièce empêchée : elle est déjà engagée dans la défense de la Tf7, une cible de type 2, qui est attaquée par les Dame et Tour blanches et défendue par Dame et Roi noirs. Aussi, les Blancs vont-ils adopter une tactique efficace consistant à éliminer un défenseur ; ils jouent 1. D×f7 D×f7 2. T ×f7 R×f7 et le Fb7 devient maintenant une cible parfaite pour l’attaque double indirecte 3. Tb3 qui gagne le fou cloué sur la Tb8 : à charge au lecteur de vérifier qu’il n’y a pas de parade empêchant la perte de matériel…

Ici, la Dame noire n’était pas en mesure d’assurer les deux missions qui lui étaient confiées. On parle dans ce cas de surcharge de la pièce. L’engagement qui en résulte est certes relatif, mais suffisamment dissuasif pour entraîner la perte de matériel. Voyons maintenant l’exemple d’un engagement absolu.

Exemple 14.1 : pièce engagée dans un clouage « Royal »

Examinons un exemple. Dans le diagramme ci-contre, les blancs viennent de jouer leur Tour de a1 en f1, attaquant la Dame noire. La Dame ne peut se soustraire à l’attaque de la Tour sans mettre le Roi noir en échec. Sa liberté de mouvement est partiellement réduite et l’on parle de clouage – une attaque accompagnée d’un engagement (interposition) empêchant de s’y soustraire –, clouage qui est dit absolu car l’entrave est imposée par les règles du jeu  et partiel car certains déplacements restent encore possibles, l’un des coups des Noirs consistant par exemple, en désespoir de cause, à prendre la Tour en f1.

Les pièces engagées dans une mission particulière constituent une catégorie à part de pièces empêchées qu’il convient de savoir repérer. En effet, de telles pièces n’étant plus aussi libres de leur mouvement sont parfois plus difficiles à défendre. De plus, leur mission de protection ajoute à leur valeur naturelle car leur perte signifie souvent également des dommages collatéraux aux pièces qu’elles protègent.

Le point sur l’analyse fractale

Les interactions entre plusieurs schémas attaquant-mouvement-cible – qu’ils soient offensif ou défensifs, engendrent des macro-structures comme les cibles complexes, ou les réseaux de mat.

Comme nous l’avons constaté dans ce chapitre, les pièces engagées dans ces structures constituent des cibles qu’il convient de bien repérer.

L’analyse tactique part donc de la structure globale pour en identifier les schémas attaquant-mouvement-cible dont les mécanismes révèlent à leur tour de nouvelles cibles.
Dans la troisième partie de ce cours, nous verrons plus en détail des exemples de cette démarche.

Dans l’exemple classique ci-contre, nous observons une interférence entre cible complexe de type 1 (case d5) et réseau de mat (mat du couloir par l’arrivée de la Te1 sur la case mat e8).
En effet, c’est la seule Td8 qui assure la défense des cases d5 (cible complexe) et e8 (réseau de mat) : c’est une pièce surchargée.

Ainsi les Blancs continuent par Dxd5 et les Noirs ne peuvent reprendre sous peine de mat...

Le schéma montre la surcharge de la Td8, responsable à la fois de la défense de d5 et e8.

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