9. Les types de cibles

Nous parlons de cible pour une case de l’échiquier dont l’occupation peut procurer un avantage. Certaines sont des cibles effectives : leur attaque vise un gain immédiat et à charge au camp attaqué de prendre les mesures nécessaires pour parer l’attaque. Ces cibles n’ont pas les mêmes propriétés et pour les distinguer, nous les classerons en différents types. Voyons maintenant comment identifier le type de cible auquel on a à faire.

Une pièce, pion ou case qui n’est pas défendu sera désigné comme une cible simple et, en pratique, on parle le cas échéant de pièce en l’air.

Imaginons alors que vous attaquiez une pièce, un pion ou une case et que votre adversaire pare l’attaque en choisissant de défendre la cible. Dans ce cas, attaque et défense s’équilibrent ; mais une attaque supplémentaire pourrait à nouveau faire pencher la balance dans le sens de l’attaque. Ainsi, la cible attaquée reste exposée à une nouvelle attaque.

Quand une pièce, un pion ou une case sont une fois attaqué et une fois défendu, ils constituent ce que l’on appellera une cible complexe de type 1. Prenons un exemple.

Exemple 9.1 : Attaque sur cible complexe

Dans la position du diagramme ci-contre, le Ce4 n’est pas défendu et constitue une cible simple ou pièce en l’air. Quant au Cc6, il est attaqué par la Tc1 mais est aussi défendu par la Tc8. Le Cc6 constitue une cible de type 1.

Que se passe-t-il si l’on attaque simultanément les deux cibles par 1. Fd5 ?

Le Ce4 est directement menacé. Mais le Cf6 est maintenant attaqué deux fois et défendu une seule. Les blancs menacent donc 2. F×c6 et les noirs ne peuvent reprendre le Fc6 avec la Tc8 car cette dernière serait reprise par la Tc1, perdant une Tour nette au lieu d’un seul Cavalier. En fin de compte, la partie pourrait par exemple continuer par 1. … C×b4 (un Cavalier est perdu, autant récupérer un pion…) 2. a×b4 Cd6 et l’attaque double du Fou aura gagné un Cavalier contre un pion.

Bien sûr, il est aussi possible qu’une cible soit deux fois attaquée et deux fois défendue, auquel cas on parlera de cible de type 2 et ainsi de suite.

Parade sur cible complexe

Une des particularités des cibles complexes et quelles multiplient les possibilités défensives face à une attaque.

Comme pour toutes les attaques, trois types de parades sont possibles sur :

  • l’attaquant
  • le mouvement
  • la cible

Il n’y a aucune différence entre parades s’appliquant sur la cible (défense ou fuite) dans le cas d’une cible simple ou d’une cible complexe.

Par contre il y a plusieurs attaquants d’une cible complexe et donc plusieurs façons de détourner au moins l’un d’eux de la cible.

De même, il y a a priori plusieurs mouvements nécessaires à ces attaquants pour perpétrer leur attaque, ce qui implique là aussi plusieurs façons de les entraver par interposition d’une pièce.

Exemple 9.2 : Parer une attaque sur cible complexe

La position du diagramme ci-contre montre une attaque du Cg5 sur la cible complexe f7, attaquée par le Fc4 et défendue par le Roi. Elle survient dans la variante de l’attaque Fegatello de la Partie Italienne après les coups :

Il apparaît rapidement que l’attaque du Cavalier sur f7 est imparable : la défense par la Dame noire ne sert à rien et rien ne peut empêcher le Cavalier blanc d’atteindre f7, soit pour prendre le pion, soit pour réaliser une double attaque de la Dame et de la Tour.  Mais il n’en va pas de même de l’attaque du Fou blanc qui peut être parée par interposition. Ainsi, après :

la case f7 est à nouveau défendue…

Identifier le type d’une cible

Mais quel est l’intérêt de distinguer les types des cibles ?

D’une part, cela facilite l’analyse de la position. Les cibles complexes – de type 1 ou plus – sont moins évidentes à repérer. Les identifier d’emblée nous rendra donc plus efficace pour concocter nos attaques ou organiser notre défense.

Nous venons aussi de voir que les attaques sur cibles complexes offraient une plus large palette de parades que celles sur cible simple. A contrario, les cibles complexes engendrent des situations où les possibilités d’attaques sont elles aussi augmentées et diversifiées. Nous verrons ces opportunités plus en détail dans la troisième partie de ce cours.

Nous venons d’examiner les cibles simples, non défendues, et les cibles complexes qui sont défendues autant de fois qu’elles sont attaquées.
Mais qu’en est-il des cibles qui sont plus défendues qu’elles ne sont attaquées ? Dans ce cas, une attaque directe étant parée d’avance par le surplus de défense, il semble que l’objectif soit hors d’atteinte. Pourtant, de telles cibles peuvent aussi se révéler vulnérables. Prenons un exemple.

Exemple 9.3 : Attaque sur cible potentielle

Dans la position ci-dessus, le Cc3 n’est pas une cible effective puisque défendu par la Tour. Cette même Tour est pourtant vulnérable : elle est en l’air. L’idée des Noirs est donc d’attaquer la Te3 et simultanément le Cavalier que ladite Tour défend. Suit donc 1. Rc4 Td1   2. R×c3 qui gagne le cavalier.

La cible que constituait le Cavalier blanc étant suffisamment protégée, les Noirs ont utilisé une attaque double indirecte : sur la Tour pour priver le Cavalier de sa défense et sur le Cavalier lui-même pour porter le coup de grâce. En ce sens, nous dirons que le Cavalier constituait une cible potentielle.

Repérer les attaques doubles

Maintenant que nous avons vu comment identifier le type d’une cible, profitons de ce chapitre pour évoquer quelques moyens pratiques de repérer les attaques doubles que peuvent porter les différentes pièces. L’idée est de voir comment la position relative de deux pièces les expose à une attaque double.

Le pion

(exemple en g4 ci-contre) attaque deux cases de même couleur, sur une même rangée devant lui et séparées d’une seule case. La figure formée par la case du pion et les deux cases attaquées fait penser à une petite fourche, d’où le nom de fourchette du pion pour désigner cette attaque double.

Le Fou

(exemple en d5) n’attaque que des cases de la même couleur alignées en diagonale ou, sur des diagonales séparées, en occupant (par prise d’une pièce) la case située à l’intersection des diagonales en question (Roi et Tour par prise du pion dans l’exemple).

La Tour

(exemple en d1) attaque toutes les pièces sur une même ligne (rangée ou colonne) ou plus rarement, comme le Fou, en se plaçant (en général par prise) à l’intersection des deux lignes que ces pièces occupent (pour l’exemple : le Roi et le Cavalier par prise du Fou).

Le Cavalier

ne peut, comme le Fou, attaquer que des paires de cases de même couleur, séparées d’au plus trois rangées ou colonnes, avec quelques exceptions comme les cases sur une même diagonale séparées d’une ou trois cases ou les deux premières (dernières) cases de chacune des deux grandes diagonales (par exemple a8 et b7).
Par ailleurs, les autres pièces ne le gênent aucunement, ce qui en fait une pièce réputée pour ses attaques doubles, même avec beaucoup de matériel sur l’échiquier.
Le diagramme ci-contre montre en vert toutes les cases qu’un Cavalier peut attaquer en même temps que b5. Noter qu’il ne peut jamais attaquer à la fois b5 et d3 ou b5 et f1 (exercice : trouver depuis quelle(s) case(s) il peut porter chaque attaque double).

La Dame 

peut porter une attaque double de multiples façons sur toutes les paires de cases de l’échiquier, ce qui la rend particulièrement redoutable. Son seul frein est la présence d’autres pièces : gare en fin de partie, quand les pièces se raréfient !

Le Roi

peut a priori porter une attaque double sur toute paire de cases séparées d’au plus une rangée ou colonne. Dans le diagramme ci-contre, par exemple, il peut attaquer la case f5 en même temps que n’importe laquelle des cases coloriée en vert, les deux cases attaquées étant alors situées dans un même carré de trois cases par trois.
Il est toutefois limité par le fait qu’il lui est interdit de se mettre en échec.

En résumé, disons que deux pièces sont toujours exposées à une double attaque de la Dame ou de la Tour, surtout si elles sont sur une même rangée ou colonne et du Roi aussi, si elles sont dans un carré de neuf cases.
Si les deux pièces sont sur des cases de même couleur, elles s’exposent en plus généralement à une double attaque du Cavalier, à condition de ne pas être séparées de plus de trois rangées ou colonnes, mais aussi du Fou, surtout si elles sont alignées sur la même diagonale, et même du pion si elles se trouvent sur la même rangée, séparées d’une seule case.

Le point sur l’analyse fractale

Avec les cibles complexes, nous observons plus en détail des structures regroupant plusieurs schémas élémentaires attaquant-mouvement-cible ayant en commun une même cible. Dans cette structure, nous obtenons ainsi un statu quo qui peut être brisé à l’initiative de l’attaquant (voir le chapitre suivant sur l’échange). En effet, les contre-attaques organisées par le défenseur de la cible ne deviennent effectives que lorsqu’au moins l’une des attaques de l’autre camp se réalise.

Par ailleurs, cette structure complexe a pour particularité de multiplier les possibilités de parades, comme vu dans ce chapitre, mais aussi d’attaques, comme on le verra dans la partie III.

Un exemple de cible complexe de type 2, deux fois attaquée et deux fois défendue.

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